KAMEL
DAOUD, sur un plateau télé en France, nous change agréablement d’un
Yasmina Khadra, avec ses airs arrogants, frisant l’agressivité, et son
étrange (pour un écrivain francophone ?) verbe incohérent au français
approximatif… Bref, le maintien de K.Daoud, est digne, impassible, avec
son air attentif , et son verbe concis, répondant ce qu’il faut, sans se
laisser démonter par le brillant et intrépide Aymeric Caron, qui
l’interpelait sur l’ Algérie, et la cause Palestinienne, selon lui,
durement malmenées dans son roman « Meursault, contre-enquête » … |
Je
dois avouer que j’aime bien Kamel Daoud. Pour le ton intentionnellement
provocateur et le style d’écriture de ses « chroniques », qui me l’ont
fait classer, depuis longtemps, comme un des meilleurs journalistes
algériens, ayant un vrai talent littéraire et donc promu à un bel avenir
d’ écrivain !
Mais soudain, voilà que dans son premier roman,
finaliste du Goncourt en France, notre chroniqueur s’éclate, en
entrainant avec lui, le peuple algérien, la Palestine… et le Coran ! En
effet, dans ce face-face avec les journalistes, ses réponses, sur les
sujets de la religion, l'arabité, et le colonialisme, il confirme ce
qu'il a écrit.
« La colonisation a été une violence… C’est une blessure qui fait partie de mon histoire » |
«l'arabité est un patrimoine, c'est une culture. L'arabe, ce n'est pas
une nationalité, c'est une culture, une domination, une colonisation».
«La religion est un transport collectif que je ne prends pas. J'aime
aller vers Dieu à pied, s'il le faut, mais pas en voyage organisé».
Mais là où K.Daoud, semble être gêné aux entournures, c'est sur la
Palestine. A cette question, sur ce pourquoi n'est-il pas solidaire avec
la Palestine et Ghaza, Kamel Daoud
répond:
«Si la solidarité était au nom de la race, de l'ethnie
ou la confession religieuse, je ne suis pas solidaire. Maintenant, si on
revient à la Palestine comme une injustice et de colonisation, là, je
suis solidaire».
Autrement dit, il prend la position de Chalghoumi ( imam controversé de Drancy, qui déclara que "le problème
Palestinien ne devrait pas concerner les musulmans de France") ...
En
effet, cette réponse exprime bien tout le souci de K.Daoud de ne pas
froisser l'establishment sioniste ( grand manitou de l' octroi de
récompenses littéraires, et de critiques de presse "élogieuses"!). Ne
sait-il pas qu'il s'agit d' un peuple subissant plus qu'une simple
colonisation, mais un nettoyage ethnique, par massacres ponctuels,
intermittents! À mon sens, quand on devient un écrivain célèbre, on a
des responsabilités morales envers son propre peuple et un devoir de
mémoire intellectuel d’humaniste envers la Palestine, qui demeure, ne
l'oublions jamais -une des tragédies les plus abominables de l’histoire
contemporaine !
C
ela dit, même si je ne suis pas d'accord avec
ses opinions, je les respecte . Aussi, qu'il soit bien clair, qu'au delà
de mes critiques sur le fond de son roman, je ne retire pas une once à
la qualité de son écriture, ni à son vrai talent d’écrivain, que
j’aurai toujours du plaisir à lire…
Tout cela pour dire qu’en
lisant ce premier roman de Kamel Daoud,
faisant le « procès » de Camus, j’ai eu le sentiment que c’était plutôt
lui, qui est « l’étranger » et pas A .Camus. Car ce dernier, a eu la
loyauté de s’assumer français, malgré son dilemme existentiel. Athée,
A. Camus n’a pas trainé dans la boue, les religions monothéistes, ou
autre foi de croyants, ni ses compatriotes français!
Enfin,
K.Daoud, fallait-il que l’approbation à tout prix de cette
intelligentsia française arbitraire, pro-sioniste et anti-arabe, soit
pour toi plus importante que ta valeur littéraire, intellectuelle et morale envers notre (le tien, le mien) peuple algérien !? Tu vois, finalement, le Goncourt, ils ont préféré le donner à Lydie
Salvayre ( immigrée espagnole d’ origine) pour son livre écrit sur des nazis, et sur le franquisme espagnol, en dénaturant
(exprès) la langue française avec un titre débile « Pas pleurer »,
plutôt qu’ à toi "l’Arabe", toujours oublié, sinon réduit à un alibi des esprits "bien" pensant en France.
En vérité, ce
ratage du Goncourt que tu méritais d'avoir, prouve qu’ il ne sert à
rien d’insulter sa race et la religion de ses ancêtres pour plaire ! Albert Camus, en transformant un fait divers en une question humaine détachée de toute contingence, nous racontait sa réalité d' étranger dans une terre qu'il avait déjà quitté dans son imaginaire. Quant à toi, il semble que c'est plus un procès que tu te fais à toi-même, plutôt qu' à Meursot, l'assassin de l'Arabe" sans nom, de si j'ose dire, de l' Etranger Camus..
En effet, ton « mal-être », ton désaccord, comme la majorité des
algériens, avec l’islamisme intégriste, et l’apathie de notre peuple, sont lancés avec des mots lapidaires, que j’ai relevés en vrac dans ton
texte:
-
Au sujet d'Alger.
«Cette capitale grotesque qui expose
ses viscères à l’air libre m’a semblé la pire insulte faite à ce crime
impuni...Dieu que je déteste cette ville, son monstrueux bruit de
mastication, ses odeurs de légumes pourris et d’huile rance ! Ce n’est
pas une baie qu’elle a, mais une mâchoire» (p. 149)
-
Les
Algériens :
«l’accoutrement : djellaba et claquettes», «le tapis sous
l’aisselle», «cette hâte hypocrite des fidèles vers l’eau et la mauvaise
foi, les ablutions et la récitation» (p. 79),
«l’oisiveté de tout un
cosmos devenu des c... à laver et des versets à réciter» (p. 79). Tous,
«chiffonnés, négligés, sans soins, sans élégance, sans soucis
d’harmonie». «La voix de l’imam qui vocifère à travers le haut-parleur»
(P 79), «Leur marmaille grouillant comme des vers sur mon corps»
(p.79).
La mosquée :
«Un minaret hideux qui provoque l’envie de
blasphème absolu en moi... Je suis tenté parfois d’y grimper, là où
s’accrochent les haut-parleurs, de m’y enfermer à double tour, et d’y
vociférer ma plus grande collection d’invectives et de sacrilèges...»
(p.149).
Le Coran :
«J’ai toujours cette impression quand
j’écoute réciter le Coran. J’ai le sentiment qu’il ne s’agit pas d’un
livre mais d’une dispute entre un ciel et une créature (p. 75-76) plus loin :
«Je feuillette parfois leur livre à eux. LE LIVRE,
et j’y retrouve d’étranges redondances, des jérémiades, des menaces et
des rêveries qui me donnent l’impression d’écouter le soliloque d’un
vieux gardien de nuit...» (p. 81)
.Je dois dire que ces passages,
loin de m'offusquer, m'ont fait rire, comme lorsqu'on se critique "entre
nous" algériens - ne dit on pas qu'"il faut laver son linge sale en
famille"? Mais en songeant à certains français, racistes et
islamophobes, j'avais le coeur serré à l' idée de ce "cadeau" que tu leur
fait avec ce livre...
Pourtant, il semble qu' en dépit de ce
tableau noir, censé plaire au lecteur français, ce livre n’a été vendu
qu’à seulement 8000 exemplaires ! Comme quoi, un « arabe » le restera
pour toujours, en France, quels que soient sa couleur de peau, son
dialecte régional ou sa fortune, n’est pas ?
En vérité, ne
peut devenir Malek Benabi, Rachid Boudjedra, Mahmoud Derviche, ou Amin
Maalouf, qui veut... Eux, comme les grands écrivains et penseurs de tous les temps, ont atteint l' universel par et pour le visage de leur pays.
Il n’en reste pas moins, que si Kamel Daoud, parvient à
se débarrasser de sa colère et de la
« haine de soi », je suis sûre,
que lui aussi, deviendrait un grand parmi ceux et celles, qui se respectent, en
portant haut, leur don du génie créateur de l'esprit humain..