mardi, mars 08, 2016

AUTANT EN EMPORTE LE 8 MARS


 HOMMAGE AUX PIONNIERES ECRIVAINES ET VETERANES DE LA LUTTE FEMININE DANS LE MONDE ARABO-MUSULMAN. AINSI QU'AU PRECURSEUR DU MOUVEMENT FEMINISTE:

QASSEM AMIN





 Avant "d'être, ou ne pas être", il faut d'abord savoir...

  Qui sait que depuis la destruction d'un certains nombre de pays Arabes, le 8 Mars n'est plus qu'un "festival" de la mémoire tronquée? J'aurai souhaité une minute de silence de toutes les femmes du monde, pour toutes ces mères et  filles, veuves et orphelines, sinon massacrées, emprisonnées; torturées, délogées de leurs maisons et de leur patrie... Juste une pensée pour elles, ces démunies de toute condition féminine, de toute humanité. Mais je sais, qu'il n'en sera rien   

 La mémoire du déni des femmes Palestiniennes, Syriennes, Libyennes, Irakiennes, Yéménites, Somaliennes, Afghanes, et maintenant cet épouvantable exode de populations, qualifié de "migrants" -  fuyant les guerres importées ... Et, nous savons que ce sont les femmes et les filles qui souffrent le plus des problèmes humanitaires. Dans cette errance obligée, elles sont  toutes traquées à la fois par la terreur de Daesh, les bombardements de l'Occident, sinon d'Israël,  et les murs de barbelés de cette Europe forteresse qui les repoussent sans pitié, on  n'entend pas l'élite" du féminisme  occidentale, dénoncer leur sort. Cependant, que l'action de "solidarité Femmes Kobané" ne s'est pas fait attendre.... Voilà donc, ce qu'il faut savoir des lacunes du féminisme international pour mesurer, le chemin qui nous reste à faire pour mettre fin à tous les types de discriminations contre les femmes, dans des luttes solidaires, dans une étique plus humaniste qu'idéologique.

Pour toutes ces raisons de bouleversement du monde arabo-musulman, la Journée internationale des femmes reste aujourd’hui d’une brûlante actualité.

 Comme par exemple en Algérie,  où  toute l’histoire de la longue lutte des femmes pour leurs droits, est depuis de longues années,  réduite à un show de marketing politique, à l’image des festivals dispendieux  de la « culture » brouillonne et superficielle.  Ainsi le nouveau visage du féminisme algérien, s’apparente- il,  plus à un défilé élitiste de clan, où l’on se congratule mutuellement, bien loin des réalités sociales des couches féminines les plus défavorisées de la société. Notamment, celles,  qui subissent encore moult violences, dont les plus abominables sont physiques, morales, et économiques. Car, si  une minorité d’élues  instruites, travaille et de ce fait, a les moyen de se défendre, la majorité des femmes algériennes, se divise en deux parties,  l'une soumise aux diktats d’un « intégrisme» islamo-salafiste rampant, qui ne connait pas ses droits. et l’autre, fragilisée par la pauvreté et l’analphabétisme, l'exposant à être une proie facile de toutes sortes de trafiquants. 

Car, même si la femme Algérienne est  présente dans tous les secteurs de l'emploi, et jusqu'au plus haut niveau des responsabilités politiques, économiques, scientifiques, cela ne concerne qu'une minorité. En vérité, 56 ans après l' indépendance  nationale, la situation de la femme algérienne  est indigne de l’histoire des combattantes de la libération de notre pays. Il reste encore un long travail à faire, surtout sur soi-même, en tant que femme consciente des nouveaux enjeux risquant de rétrécir ses libertés...     

Femmes contre femmes

Et maintenant, levons un tabou, rarement évoqué ou étudié dans la pensée féministe, ou si vous préférez "féminine". Ces non-dits, comme la rivalité entre femmes. Cet esprit de jalousie,  que les hommes de pouvoir ( pas seulement en Algérie!) manipulent, dans une stratégie de domination atavique, du « diviser pour régner », à laquelle beaucoup de femmes pressées "d'arriver", adhèrent, par intérêt personnel, carriériste, ou vanité sociale.  En effet,  leur représentation dichotomique encourage leur rivalité,  et par osmose, la subordination aux hommes. Tout cela, nous renvoie aux femmes dans un harem… dans un esprit courtisan pour bénéficier de "faveurs", ou pour séparer la condition humaine féminine, comme de nos jours,  en deux forces d' opposition: "laïques" et "islamistes". 

En effet, dans la foulée des "printemps arabes", et de la surenchère dans la barbarie de Daesh, est apparue une  fracture dangereuse, entre femmes voilées et sincèrement pratiquantes,  assimilées à l'intégrisme, et les "dévoilées", soi-disant réfractaires à la foi religieuse.. Ce qui est faux, comme je l' ai dit dans un autre de mes livres " Ciel de Porphyre", la laïcité, n'est pas synonyme d'athéisme ( comme le fait croire l'extrémisme islamique) mais le respect et la tolérance entre les croyants et non croyants!!). Par conséquent,  les luttes pour l'égalité, entre femmes et  hommes, ne portent pas sur l'habit, mais sur les droits et la liberté du choix dans la vie. Encore faut-il que les femmes cessent  d'être déloyales entre elles, et qu'elles comprennent enfin que la solidarité est le tremplin de toute réussite. 

Et parlant de violence, je dirai que les coups "bas" entre les femmes représentent un des sévices psychologiques minant le féminisme à l'intérieur de ses rangs.  Telles ces féministes "d'élite" qui reproduisent le caractère masculin dans ce qu'il a d'ambition personnelle, d'avidité pour le pouvoir, quitte à marcher sur le cadavre de ses semblables...  

Finalement à l'image de la littérature féminine, le féminisme algérien est une triste histoire d' abandon et d' exclusion. Le manque d'union entre elles, englobe le séparatisme féministe, et le  déni des talents créateurs d' idées et d' actions positives de femmes capables de construire le progrès, l'égalité des chances et le respect de la personne entre les femmes et les hommes. Car RIEN ne pourra jamais se réaliser dans la confrontation, mais au contraire dans le dialogue. Ceci pour rappeler encore et toujours, que les luttes des femmes algériennes, et d'une manière plus générale, maghrébines, ne seront jamais les mêmes que celles du féminisme occidental... Comme je l'ai toujours écrit et dit dans mes conférences,  depuis les années 70, des premiers balbutiements du mouvement des intellectuelles en Europe. 

A cette époque, je le rappelle, nous n'étions que deux femmes musulmanes: feue Fatima Mernissi et moi à insister sur notre lutte spécifique, propre à la réalité socio-culturelle et politique, de nos pays. Une démarche intellectuelle différente, mais complémentaire  avec l'action  des femmes occidentales,  face au  patriarcat misogyne. Nawal Saadawi, était plutôt de tendance radicale selon les normes du féminisme en Occident , avant de revenir, quelques années plus tard, à nos idées...

En vérité,  aussi longtemps que les intégristes islamiques manipulent le droit des musulmanes, en falsifiant le Coran, pour asseoir une Shari'a sur le déni de l'humanité féminine, nous ( écrivains, journalistes et artistes femmes et hommes)  devons investir le terrain de l'Islam  des Lumières, égalitaire et tolérant, afin de conscientiser la majorité de  nos soeurs, encore otages de l'ignorance et de la peur.

Par conséquent, ni femme "alibi" d' un sectarisme religieux ou d'un radicalisme "laïque" , nous sommes avant tout algériennes, faisant corps avec notre environnement  spécifique, culturel arabo-berbère musulman, pour lequel nous devons garder une certaine ouverture d' esprit et de coeur, afin de séparer le bon grain de l' ivraie de nos revendications d'une société plus juste. Le contraire de ce qui prévaut à travers le spectacle affligeant  de ces rassemblements hétéroclites d’un féminisme de factions partisanes.  

Ce faisant, l'imposture n'en finit plus de reléguer dans l’exil de la mémoire collective, l’apport d’écrivaines algériennes pionnières du féminisme littéraire et intellectuel,  quand elles ne sont pas carrément plagiées dans leurs paroles et leurs écrits.   
Mais les défis à venir restent immenses, notamment dans la volonté de nous changer nous-mêmes, pour espérer devenir des femmes crédibles,libres avec de vraies interrogations sur l'avenir. Et enfin nous reconnaitre dans la diversité de nos opinions, hors de tout separatisme ethnique, linguistique, religieux et ou régionaliste dans la solidarité et le respect des oeuvres des aînées. Avant  d'être, il faut savoir... C'est la solution.