mardi, juillet 05, 2011

Algérie, c´était un Jeudi 5 Juillet 1962…

Trois Présidents, trois grands destins marquants à jamais l`Histoire de l`Algérie depuis l`indépendance Nationale... jusqu`à nos jours.
Ahmed Ben Bella - Houari Boumédiene - Mohamed Boudiaf.

Les deux premiers furent témoins à mon mariage... Le troisième, Si Mohamed Boudiaf, j´ai eu le privilège d`avoir un long entretien avec lui,en mars 1992, dans lequel il s´était livré avec telle sincèrité passionnée et passionnante, qui me fait penser que je suis une des rares personnes à posséder un tel trésor comme témoignage, toujours vivant dans mes cassettes. De cette interview, je n´en avais extrait qu`une partie pour faire son portrait, et celle du président Ahmed Ben Bella. L`article fut publié aux Etats-Unis... par un étrange hasard, le 29 juin 1992, le jour même de son assassinat!
http://www.washington-report.org/component/content/article/141-1992-july/6855-with-the-arab-worlds-eyes-again-on-algeria-two-independence-heroes-speak-out.html

Mais, aujourd´hui, comme toujours depuis une décennie, je ne regarde plus la télévision -dite-"l`unique" en Algérie... Je préfère revisiter la ville de mon enfance, qui fut un des hauts lieux de la résistance nationale en ces années de lutte contre plus d´un siècle de colonialisme en Algérie... qui aura coûté plus d´1 million et demi de morts. Avec cela, la France de Sarkozy, qui pilonne en ce moment la Libye avec l`aide de l`OTAN, veut en même temps mater la mémoire algérienne... "Oublier le passé en regardant vers le futur" dit-il... C´est ainsi que le président français, aura tué deux fois nos chahid, tombés aux maquis d`honneur de notre terre! Quant à moi, chaque année, au 5 juillet... je redeviens la jeune fille qui cherche toujours le futur de son peuple...











Petite jeune fille, émergeant à peine de l`adolescence, je me revois juchée dans un véhicule décapotable, avec mon amie,d`enfance Farida L. compagne de résistance et soeur d`un des moudjahid valeureux de notre région, rendu vivant, mais dans un brancard avec ses blessures du maquis ... Nous brandissons haut le drapeau, en essayant de garder l`équilibre au milieu de la grappe humaine, formée par des proches et amis en tenue de maquisards, tous entassés dans cette voiture qui roule au pas au milieu d´une foule en liesse. Dans cette ville de l`Est algérien, nous sommes des milliers en voitures, en calèche, à pieds, criant notre joie, et chantant l`indépendance de notre pays !

Nous, ce peuple de « l`intérieur », qui a vécu, au jour le jour la lutte de Libération Nationale, enduré le couvre-feu, et le cauchemar terrifiant des incursions infernales des soldats frappant à l`aube dans nos maisons. Nous avons soigné, porté des armes, des vivres et des soins aux moudjahidines des montagnes dressées autour de notre ville. Les anciens veillaient sur l`honneur des familles, les jeunes avaient pris le maquis, et nous, enfants, orphelins de l`insouciance de l`enfance, nous apprenions les lois du "secret" des grands, et l`art de faire semblant de jouer, quand il fallait assurer le guet pour un "feday" dans sa cache... Tapis dans la chaleur de notre solidarité d`airain, nous attendions le jour, et la chance de sortir indemnes de la guerre, pour goûter enfin à une liberté où tous les espoirs seraient permis…

Pourtant on entend encore, les moults déviationistes, et autres révisionistes, ainsi que des rejetons d´ ex-"mtournin"(naturalisés) à qui le régime a octroyé des faveurs et des postes juteux, prétendre que "les algériens sont restés cachés dans leurs grottes, jusqu`à ce que la France leur "donne" l´indépendance "...

Mais, il faut croire que " l`histoire des peuples, est l`histoire de la trahison de l`unité"... comme l`a si bien décrit le dramaturge et poète Antonin Artaud dans son étrange livre "Vie et mort de Satan" le feu":

Finalement, l´heure et la date de la victoire ont fini par arriver! C´était un jeudi, veille du vendredi, qui deviendraient plus tard nos jours de "week-end" à l`Algérienne...... Puis le temps s´est écoulé, sans que jamais je ne perde ce rendez-vous national avec les miens. Quels que soient les avatars des évènements jalonnant ces années de post-indépendance, je participai au souvenir et à la transmission collective de mon pays. Jusqu`à ce que l´ère des voleurs de notre histoire soit venue sonner le glas de la mémoire marginalisée …Alors, les "jeudi-vendredi"... sont devenus "vendredi-samedi", unissant la Thora et le Coran, en évacuant le dimanche de l`Evangile... Peu à peu, on entrait dans l`envers des choses. Les actes patriotes devinrent des "cartes communales" (d`anciens combattants) - octroyés à ceux qui étaient planqués loin des souffrances des résistances populaires. Des larbins devinrent des chefs. Comme dit ce proverbe de ma région "edab rkeb 3ala dhar mouleh" (l âne est monté sur le dos de son maître)... l`ignorance se mit à commander à la culture, l`arrivisme, à chevaucher la "hogra" (le l`injustice, mépris) - et l`amnésie se mit à traquer la mémoire...

Et depuis, mon 5 juillet à moi, est dans ma maison, avec ceux que j´aime… mes authentiques « moudjahidine » purs et durs comme le diamant. Nous nous regardons, dans le miroir de nos regards respectifs, fiers et libres dans notre conscience debout, nette et inflexible, à l`image de ce "Printemps arabe" de nos enfants, porteur de lumière, à contre-courant de la longue nuit des pharisiens de tous les pouvoirs iniques … `

Ainsi, l`année prochaine, pour les noces d`or de l`Algérie, je sais que l`aube reviendra. Et dissipera l`errance sur des chemins de nuit ... Je ressortirai mon vieux drapeau, celui-là même que je déployai le 5 Juillet 1962, et juchée dans une voiture décapotable, avec mon amie d`enfance, nous chanterons avec nos petits enfants et toute la jeunesse algérienne la renaissance de notre pays… Incha´Allah.