mercredi, juillet 04, 2012

Algérie: 1962-2012 - Bonne Fête Mon Amour!!

Que Dieu bénisse l`Algérie et tous ceux qui aiment ce pays!

Cependant, que tout notre amour affiché, et qui nous honore, n`empêche pas l`exigence d`une certaine mémoire, à la fois critique et objective ... En effet, « Les événements effacent les événements. Inscriptions gravées sur d'autres inscriptions ils font des pages de l'histoire des palimpsestes. » (F.R.de Chateaubriand)

***De même que sur le parchemin du demi siècle de l`indépendance algérienne, à chaque 5 juillet, des copistes font disparaître les inscriptions pour y écrire de nouveau...

On efface l'écriture initiale pour pouvoir écrire un autre texte. Le "script" de " Cette année, nous dit-on, a un budget de plus de 2 milliards !!!

Et c´est partie! La fête sera en version "Mega Show"! Celui-ci a commencé par un coûteux supplément publicitaire de 16 pages, inséré dans le journal "le Monde" - dont la réalisation est le fait d´ une agence de communication au frais du gouvernement algérien...

La suite démarre avec les festivités s´ouvrant par une comédie musicale de 800 artistes, qui retrace l`histoire de l`Algérie, sous l´égide du chorégraphe libanais Abdelhalim Caracalla. Celui –ci, je l`ai connu à Amman en Jordanie dans les années 80, quand il avait produit un ballet retraçant "la Grande Révolte arabe" (1916-1918) contre l`Empire Ottoman - inspirée par Lawrence d`Arabie - et conduite par Hussein ibn Ali, Chérif de la Mecque... Par conséquent, le faste visuel voulu par les gouvernants algériens, est garanti, avec le talentueux libanais créateur de ballets orientalistes!

Par ailleurs, des « olympiades » (sic) sont déroulées sous forme de représentations théâtrales, sur le thème des différentes étapes marquantes, de la Révolution depuis son déclenchement jusqu`à l`indépendance. Ces exhibitions se déploient à Alger, pour ensuite, se poursuivre à Sétif, Mila, Sidi Bel Abbés, Biskra, Tlemcen, Batna et à Bejaia. (Et Tébessa, Souk-Ahras, Annaba, La Calle, et tant d`autres villes et villages d`Algérie ??? Au nom de quoi, de QUI, les prive-t-on du faste cinquantenaire qu´ils ont payés aussi, du sang de leurs martyrs, et avec leurs impôts comme les autres!)

Ainsi, entre « shows », « Olympiades », parades de « fanfares militaires étrangères »… les algériens auront même droit à un « Carnaval de Rio de Janeiro » à Oran !!!

Il est bien évident que rien, n´est trop beau, ni trop cher pour notre bon peuple qui mérite d`oublier un peu, ses problèmes "kafkaën" du quotidien... Mais toute cette orgie de moyens financiers engagés, juste à la veille de Ramadan, et vu le taux d`inflation qui menace le pays, gêne un peu! Car, avoir cinquante ans, qu`il s`agisse d´un pays , ou d`une personne, c´est l`âge du bilan pour mieux appréhender le futur… et une seconde chance pour faire ce qu'on n'a pas pu réaliser auparavant. Le contraire, c´est une espèce de "démon de midi" des esprits vieillissants… qui fait que l`on outrage le présent, immole l`avenir, dilapide l` argent (exemple, celui de l`Etat!) dans des défis mégalomanes, qui, sur le moment, flattent l`égo personnel (des gouvernants), mais abaisse, pour ne pas dire - brime, l`espérance d`une vie meilleure pour tout un peuple!

Ces reflexions me font penser à l`époque des présidents Si Ben Bella et Si Boumediene, quand les anniversaires de notre indépendance nationale, se fêtaient dans les rues algériennes… plutôt que dans des salles ou dans des stades. Je me remémore le temps de nos anciennes parades militaires, et des pilotes faisant du ciel, une immense scène de ballets dans l`habit d´acier de leurs Migs21 argentés, et les défilés citoyens, d`hommes et femmes, de toutes les corporations professionnelles, avec celle de jeunesse représentée à travers ses diverses activités sportives et estudiantines… en présence de chefs d´Etats, et autres personnalités internationales! Tout cela, ajouté aux concerts, et spectacles organisés à travers tout le pays, dans l`allégresse d´un peuple fier, et fort, qui savait que le monde le regardait avec envie et respect.

Sans vouloir jouer les rabats-joie... je crois que mon coeur, tout comme, celui de n`importe quel algérien - algérienne, n´a pas besoin de « méga show », pour être fier de notre nation, car, il porte en lui, l`immensité de notre mémoire collective, éternellement reconnaissante à nos héros qui ont libéré le pays !

C´est pourquoi, je reprends mes mots, écrits l`an dernier sur ce blog, à l`occasion du 5 Juillet 2011

- Aujourd´hui, je préfère revisiter la ville de mon enfance, qui fut un des hauts lieux de la résistance nationale en ces années de lutte contre plus d´un siècle de colonialisme en Algérie... qui aura coûté plus d´1 million et demi de morts.

C´est ainsi, qu`à chaque année, au 5 juillet, je redeviens la jeune fille qui cherche encore le futur de son peuple...

Petite jeune fille, émergeant à peine de l`adolescence, je me revois juchée dans un véhicule décapotable, avec mon amie, d`enfance Farida compagne de résistance et soeur d`un des moudjahid valeureux de notre région... Nous brandissons haut le drapeau, en essayant de garder l`équilibre au milieu de la grappe humaine, formée par des proches et amis en tenue de maquisards, tous entassés dans cette voiture qui roule au pas au milieu d´une foule en liesse, jusqu´à ce que l`on dépasse tout le cortège des manifestants, comme si l`on cherchait le bout du monde! Dans cette ville de l`Est algérien, si belle de toutes ses résistances et luttes du passé, si impétueuse dans sa renaissance à la liberté, nous étions des milliers en voitures, en calèche, à pieds,unis dans le choeur vibrant de tout le pays, criant notre joie, et chantant l`indépendance de notre sublime terre !

Nous, ce peuple de « l`intérieur », qui a vécu, au jour le jour la lutte de Libération Nationale, enduré le couvre-feu, et le cauchemar terrifiant des incursions infernales des soldats frappant à l`aube dans nos maisons.Comme je le raconte, dans un de mes livres " Ciel de Porphyre" (1978-Paris) - quand nos mères nous barbouillaient le visage de charbon, nous habillaient de vieilles hardes, usées, tachées de graisse( préparées à l`avance pour cette terrible situation) - en nous ordonnant de tousser, cracher et gémir...... afin que les soldats " bérets rouges" qui faisaient leurs rafles à l`aube dans nos foyers, ne nous violent pas! Mais aussi, quand, j`accompagnais les adultes (car, avec une fillette, ils pouvaient passer plus facilement à travers les barrages militaires) - pour aller soigner, porter des armes, des vivres et des soins aux moudjahidine des montagnes dressées autour de notre ville. En ce temps de guerre, les anciens veillaient sur l`honneur des familles, les jeunes avaient pris le maquis, et moi, comme beaucoup d´enfants de mon âge, orpheline de l`insouciance de l`enfance, j apprenais les lois du "secret" des grands, et l`art de faire semblant de jouer à la marelle, quand il fallait assurer le guet pour un "feday" dans sa cache...

Tapis dans la chaleur de notre solidarité d`airain, nous attendions le jour, et la chance de sortir indemnes de la guerre, afin de goûter enfin à une liberté où tous les espoirs seraient permis…

Finalement, l´heure et la date de la victoire ont fini par arriver! C´était un jeudi, veille du vendredi, qui deviendrait plus tard nos jours de "week-end" à l`Algérienne......

Puis le temps s´est écoulé, sans que jamais je ne perde ce rendez-vous national avec les miens. Quels que soient les avatars des évènements jalonnant ces années de post-indépendance, je participai au souvenir et à la transmission collective de mon pays. Jusqu`à ce que l´ère des voleurs de notre histoire soit venue sonner le glas de la mémoire marginalisée

Ainsi, les jours de repos musulmans du "jeudi-vendredi" sont-ils devenus des "vendredi-samedi", unissant la Thora et le Coran, en évacuant le dimanche de l`Evangile...

Peu à peu, on entrait dans l`envers des choses. L`ignorance se mit à commander à la culture, l`arrivisme, à chevaucher la "hogra" (le l`injustice, mépris) - et l`amnésie se mit à traquer la mémoire...

C´est ainsi, que j`ai décidé de prendre doucement mais solidement mon 5 juillet dans mes bras, pour le soustraire des pharisiens du Temple, et de l`installer ma maison, avec ceux que j´aime… mes authentiques moudjahidine, purs et durs comme le diamant.

Nous nous regardons, dans le miroir de nos regards respectifs, fiers et libres dans notre conscience debout, nette, incorruptible et inflexible.
***

Ce matin, j `ai ressorti mon vieux drapeau, pour l`accrocher à mon balcon, celui-là même que je déployai le 5 Juillet 1962, un jeudi, comme en ce jour de 2012. Ecoutant la rumeur joyeuse de la ville, j`ai fredonné pour moi-même « Kassaman » (le serment)… en contemplant l`horizon… Soudain, une larme a roulé sur ma joue, telle une rosée, tel un baiser du ciel, je ne sais pas, mais étrangement, je me suis sentie heureuse, en comprenant que c´est sans doute "leur" manière de me faire comprendre qu`ils me remerciaient de penser si fort à eux... Le milion et demi de nos chahid... avec nos héros - Allah Yarhamhoum- : Ben M´hidi, Didouche Mourad, Khider, Krim Belkacem, Amirouche... et Boudiaf, et Ben Bella et Boumediene... avec ses larmes encore chaudes, immortalisées ici, dans cette vidéo.