"Nous vous avons établis leurs successeurs dans ce pays-ci. Afin de voir comment vous agirez."Coran-Jonas-Sourate. X donné à la Mecque.)
"Adieu Mohamed nous te vengerons!", "ton sang n'aura pas coulé pour rien", "Nous te pleurons et nous ferons pleurer ceux qui ont causé ta perte" scandait la population de Sidi Bouzid , le jour de l’ enterrement de celui qu’ on appelle désormais "l’immolé de Sidi Bouzid".
Il avait 26 ans, et portait un nom de Mausolée avec une connotation amoureuse ( Bouazizi («le père de mon chéri ») – natif de - Sidi Bouzid ( Marabout que l’ on retrouve aussi en Algérie et Maroc). Mohamed était beau, regardez sa photo !
Mohamed Bouazizi a préfère mourir vif plutôt que mourir à petit feu sous le joug de Ben Ali…
A présent pour Ben Ali c’ est l’ inverse… l’ Arabie aussi saoudienne dans le faste de ses palais, soit-elle, ne l’ empêchera pas de mourir à petit feu dans la décadence de son destin, d’ ex dictateur aux mains tachées du sang de son peuple, terminant sa vie en exil! A l'instar du dictateur ougandais, Idi Amin qui finit ses jours, à moitié fou, et ce, même réfugié sous l' aile de la Mecque!
Car c’ est le plus terrible des châtiments qui puisse arriver à un homme ou femme ayant trop longtemps accaparé le pouvoir, au point de se croire investit de la grâce de Dieu… Sans savoir que la pire des punitions, n’ est pas le risque de mourir de mort violente dans l’ exercice du pouvoir, ni même de mourir pendu par une opposition sous les ordres d’un pays étranger, comme l’ a été, Saddam Hussein. Mais de se voir marqué par la honte à jamais, et entrer dans les pages sanglantes de l’ histoire de son pays, pour l’ éternité. Tel est le sort misérable de Zinedine Ben Ali, fuyant tel un animal aux abois, lui, sa femme et leurs descendants ; vilipendés et méprisés, non seulement par le peuple, mais aussi par ses anciens soutiens occidentaux, au point de devenir « persona non grata » sur leur sol ! Après avoir été au sommet de tous les honneurs, pour, en fin de « règne » rejoindre les parias de l’ infamie, il y a de quoi, croire au Divin !
J’ ai coutume de dire toujours, non par fatalisme, mais pour avoir observé tant d' années l’ ascension et la chute des grands de ce monde, que si les peuples ne peuvent rien contre l’ injustice d’ un pouvoir inique, Dieu le pourra en créant l’ occasion et l’ heure de sa Punition… sur terre ! Et ce, quel que soit la durée de sa puissance…
En Tunisie, « l’ occasion et l’ heure » sont le désespoir d’ un jeune homme impuissant contre la tyrannie, qui s’ est donné la mort, et qui, tel un miracle, a déclenché cet immense et frénétique mouvement de liberté de tout un peuple! Une manifestation historique, que déjà certains la nomme « révolution »…
Pour ma part, jusqu’à maintenant, je la considère comme une révolte populaire. Sans ôter le mérite du courage au peuple tunisien, il n' en reste pas moins que c' est une manifestation contre le régime prédateur et tyrannique de Ben Ali. Le contraire en Algérie( question que je traiterai prochainement) où ce sont des émeutes de jeunes chômeurs, contre le manque d’ emplois et la cherté de la vie. Cependant que la racine de la mal-vie, tissée dans l’exclusion et la « hogra », est commune à la jeune génération tunisienne et algérienne, ainsi que dans le reste des pays maghrébins. Toutefois, on peut dire qu' à des degrés divers, tout le Maghreb est logé à la même enseigne.
En ce qui concerne l' armée tunisienne, il faut lui reconnaitre l' honneur de son comportement sans faute, en faisant preuve d' une neutralité vigilante dans cet affrontement du peuple contre le régime . Alors dit-on, que des policiers snippers n'ont pas hésité à faire couler le sang de leurs compatriotes… Du coup, on a entendu des appels émanant de la population, qui, ce vendredi soir, à travers la télévision tunisienne, adressait des appels au secours, à l’armée, pour assurer la sécurité de leur personne et de leurs biens. Car, Après les manifestations pacifiques, voilà que se succèdent vandalisme et saccages, pas seulement des résidences et commerces appartenant à la famille de Ben Ali, et à celle de sa femme Leila Trabelssi, mais aussi, aux biens privés de leurs concitoyens.
Ce qui contredit certains tunisiens participant aux débats télévisés en France, qui se « flattaient » de ce que les tunisiens sont pacifiques, et « n’ ont jamais tué personne » pour avoir leur indépendance » ( allusion bête et méchante à l’ Algérie, ) de Hédi Béji et Abdelwahab Medheb, dans l’ émission « Ce soir ou jamais »France 3 ; ( sur laquelle je reviendrais une autre fois)…
Ces allégations pathétiques, prouvent d’ une part, que ces personnes n’ ont jamais vécu dans un pays colonisé durant 132 ans, ni connu de près ou de loin, les souffrances d’ un peuple ayant perdu plus d’ un million de martyrs dans une guerre de libération qui aura duré 8 ans ; mais de plus, qu’ ils ne connaissent pas même les souffrances de leur propre peuple, dont ils sont originaires malgré leur passeport français! En vérité, ces gens-là, n’ont aucune idée de ce que vivaient les gens de la Tunisie profonde, « sans pistons, ni les clés d’ un quelconque sérail du pouvoir. Mais encore, en tant que " lettrés", ils semblent bien, avoir de sérieuses lacunes sur la psychologie d’ une population trop longtemps menée à la trique, vivant dans la peur, le mépris et l’ exclusion dans son propre pays, où la presse est muselée, les intellectuels pourchassés et bastonnés et les internautes embastillés comme en Tunisie !
Ce n' est donc pas étonnant qu' il y ait maintenant des bandes d'excités, égarés dans le vol et la destruction! Il faut seulement espérer que l' ordre et la solidarité citoyenne, reprendront leur panache dans un Etat enfin de droit et de liberté. C'est ce qu'il nous faut souhaiter à ce pays plus que frère, que les Algériens aiment sincèrement.
Finalement, même s’ il va avoir l’ occasion de « laver ses os » Yaghssel a3damou, en terre sainte, Ben Ali, devra rendre au peuple tunisien toute la fortune qu’ il aura amassé durant ses 23 ans de règne sans partage.
J’ aime la Tunisie et son peuple qui fait partie de mon histoire, tout comme mon propre pays l’ Algérie. Dans mes veines, coule le sang des Chabbi du Jrid et celui des Chaouias de Nememcha, et je pleure… La mort des jeunes m’ est insupportable, car je sais la douleur de perdre un fils dans la fleur de l’ âge.
Voilà pourquoi, je pense que la libération de la Tunisie est plus le fait de ces jeunes, que d’aucune autre faction politique ou intellectuelle ! Car ils n’ appartiennent ni à des organisations syndicales, ni à la mouvance islamique ou autre, et ni à des associations de la société civile. Ils se sont uniquement, identifiés à Mohamed Bouazizi et ensuite à toutes les victimes tombées sous les balles policières.
Mais, lui, Mohamed Bouazizi, sans le savoir, est mort en martyr, non comme un kamikaze préparé et programmé par les hommes, pour le sacrifice, mais telle une manifestation cachée de la Volonté Suprême Divine contre l' inadmissible, l' abominable et cruel abus de pouvoir d' un mortel défiant chaque jour Son Créateur !
Tout comme il est dit dans ce poème d’ un des illustres parents de mon père, le grand, l’ immortel Aboulkacem Chabbi :
Aux tyrans
« La voix des humiliés est faible, dit on,
Et sourdes les oreilles des tyrans de ce monde. »
Non la clameur du peuple est l’ouragan
Qui courbe le plus puissant des trônes et le fracasse.
La voix tonnante de la justice lui fait écho
Le grondement des guerres dévastatrices a des bouches béantes
Lorsqu’un peuple enfin, s’unit, pour la justice
Il s’affermit maître de son destin
*
Malheur, malheur à vous, piliers d’iniquité
Du jour où l’opprimé se met debout et avance
Il brisera d’un coup ses chaînes millénaires,
Laissera éclater pleinement sa fureur !
Auriez vous l’illusion au spectacle d’un peuple touché à l’œil, le fermant ?
Ou bien du vaste espace sommeillant, assombri ?
Aujourd’hui enfouis, les élans impétueux du pays
Bouillonnent en profondeur, menaçants.
Viendra l’heure, si proche, de leur éclatement,
Le peuple vibrera du plus beau de ses chants.
Ainsi ; pendant longtemps assoupie, elle se réveille en fureur
Défait d’un seul coup ce qu’ont tissé les ténèbres.
Quand, dans sa misère, le faible se relève, disparaît toute crainte
Vous saurez, ô tyrans, qui de nous les flots emporteront
Pour récolter ce qu’hier sa propre main a semé
Qui sème la douleur récolte l’amertume.
L’arbre de la vie se verra arrosé ; pousseront ses racines.
Et vous, tyrans, vous l’entendrez forte la voix de la justice
Lorsque le destin, de son amer calice, vous aura abreuvés.
Le jour où le tyran s’effondre sous ses chaînes
Alors il entend la douleur de ce monde… et comprend.
(Le 20 février 1929)
(« Au tyran, dans Diwan)(Traduit par Ahmed Ben Othman)