mercredi, avril 18, 2012

AHMED BEN BELLA, UN HEROS MALGRE TOUT


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Et MALGRE TOUS !!

« Les dangers de la vie font sa valeur. Le héros est celui qui relève le gant quand toutes les chances sont contre lui » Eschyle

  Ses deux grandes passions: "l’Algérie et Zohra" La Passion est lâme de la parole" Fénelon

  Ben Bella, en dépit des négationnistes claniques, l' Histoire n' en a pas encore fini d’en parler!
Hors de toutes les analyses « en vrac » des uns et des autres, l’homme demeure méconnu dans sa dimension humaine, faite de souffrances, de doute, et de solitude…

Pour ma part, j’évoquerai la face cachée de l’homme, que le hasard de l’Histoire, a choisi pour être le premier président de l’Algérie indépendante (1962-65) et que des circonstances non moins impondérables ont fait de lui, un des témoins à mon mariage – (parmi lesquels Si Boumediene, Ahmed Medeghri et Chérif Belkacem). Et plus tard, dans les années 90, pour l’avoir eu, comme un de mes illustres interviewés (avec Mohamed Boudiaf et d’autres dans le monde arabe et occidental))- pour les besoins des magazines de langue arabe et anglaise, dont j’étais la correspondante diplomatique en Algérie, tels que “Al Mustaqbal” " Al Wassat" et le Washington Report On Middle East Affairs”.*

 Ceci pour affirmer qu' autant, pour Ahmed Ben Bella, que pour un autre des leaders historiques de l' Algérie, j' écrirai à chaque fois que je pourrai, pour défendre leur mémoire, et ce, quelles que soient les "fautes" présumées de leurs parcours de combattants pour libérer leur pays! 

Et par ailleurs, souligner le recul de mon observation objective de ce leader autant admiré que controversé, avec lequel j’avais eu des heures d’entretiens informels tantôt enregistrés dans ma cassette, tantôt recueillis hors transcription sur des sujets plus personnels… Desquels, par égards pour leur confiance en ma discrétion, je n’ai livré qu’une partie, tout en conservant l’essentiel de “leur vérité” dans mes archives audio. 

UN COMBATTANT A VISAGE DECOUVERT. 
Et malgré tous… Ben Bella demeure un héros. En effet, sa vie semble avoir été un perpétuel saut d’obstacle. Rien ne lui a été épargné pour le faire tomber de son étoile de battant ! On l’a emprisonné, diffamé et même moqué (par l’entremise de journaleux aux ordres)… A chaque pas, les geôles ou la diffamation le guettaient pour exécuter leur œuvre au noir ! Tant il est vrai que si nul n’est prophète en son pays, lui, l’aura été juste le temps d’une étoile filante. Mais Dieu combien, furent terribles les épreuves affrontées par cet homme, durant sa vie dans son pays !

 Sa mort n’est pas «un pan de l’Histoire algérienne qui s’en va » comme le disent ceux qui ont intérêt ce que les vivants oublient… Au contraire, c’est maintenant, que la vraie vie légendaire de Ben Bella sera connue de tous, et que alors, rejaillira toute la lumière sur l'absolue probité de sa stature historique. 

Car, au delà de tout ce que l’on sait de lui, ce qui saute aux yeux, est la limpidité de son engagement dans la lutte de libération nationale. Point de « zones d’ombres » comme se plaisent à le faire croire certains « historiens » de pacotille !  
Mais certainement une vie jalonnée de menaces de mort. Car, comme il me l’avait dit : « plusieurs fois au cours de mon existence, la mort m’avait frôlé de si près, que j’ai réellement cru que tout était fini…



Comme un toréador face au taureau, sa conscience de la mort, ne l’avait jamais quitté même au sommet de sa gloire en tant que président. Il savait d’où il venait, et où il devait arriver:


Ni fils de marabout, ni de bachagha, ni autre “ naturalisé” bourgeois de cette Algérie sous occupation, il grandit avec la révolte aux entrailles.

 C’est ainsi qu’à peine âgé de 17 ans, il commençe sa “carrière” de militant pour la libération de son pays – non pas dans les rangs de l’armée française, comme le rapportent les ragots de ses détracteurs, mais dans la cellule du PPA (Parti du peuple algérien) de Messali el Hadj.

Après son appel sous les drapeaux de l’armée française, le jeune Ben Bella, se distingue au front par sa bravoure. C' est ainsi qu 'en 1944, il est cité quatre fois à la bataille de Monte Cassino (Italie). Décoré de la Médaille militaire par le général de Gaulle, chef de la France Libre, il gagne ainsi son grade de sous-officier.

 A son retour, il est bouleversé par les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata du 8 Mai 1945, au cours desquels des milliers de manifestants pacifistes nationalistes sont fauchés par la répression sanglante de la police et de l’armée françaises.
  
Fort de sa conscience politique engrangée au sein du PPA durant son adolescence, l’intermède de son service militaire sous les feux de la guerre contre les nazis, n’est qu’une parenthèse dans son objectif de la libération de son propre pays.
 Il reprend son militantisme au sein du PPA qui a un nouveau sigle: MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques), en devenant membre de la troupe de choc de l’Organisation Spéciale (OS). Celle-ci va préparer le bases du soulèvement armé du 1er novembre 1954 avec comme première préoccupation de mobiliser des ressources financières. 

C'est ainsi que sera décidé le fameux hold up de la Grande poste de la ville d’Oran.  

Ben Bella, est désigné de façon collégiale et à l'unanimité par les militants de l'OS pour organiser et exécuter l'opération.
 Ceci allait de soi, car, d’ une part, il n’ y avait que Ben Bella, baroudeur infatigable, capable de jouer sa peau, et de l’autre, au contraire des postes des autres régions algériennes, sous contrôle exclusif des “français”, celle d’Oran avait pour contrôleur un “indigène” nommé Djelloul Nemmiche dit Bakhti, devenu plus tard, après l’indépendance, ministre des Moudjahiddine !!

Les premiers fonds pour faire démarrer le 1er Novembre, furent donc mobilisés, grâce à deux militants oranais de la base: Djelloul Bakhti Nemmiche, qui facilita de main de maître, le fameux hold-up, avec Ben Bella pour principal protagoniste!

La prison commença à pointer son maléfice dans le destin de notre héros, après cet épisode de la poste d’Oran, quand il est arrêté en Mars 1950 et condamné à 8 ans de prison; Il est incarcéré dans la prison militaire de Blida. Infatigable oiseau de la liberté, il réussira néanmoins à s’évader en 1952.

A l'aide de faux papiers d'identité et des complicités il pourra débarquer à Marseille, se rendra ensuite à Paris, où des “ passeurs” militants algériens le cachent dans la terrasse d’un appartement de la rue Rochechouart. De là il est acheminé vers la Suisse pour finalement rejoindra le Caire.

 Le mouvement national, agira sans discontinuer dans la clandestinité totale. En Mars 1954 les 9 chefs historiques, dont fait partie Ben Bella, fondent le CRUA (Comité Révolutionnaire d'Unité et d'Action) pour aboutir en Octobre 1954 à la décision de déclencher à partir du 1er Novembre 1954, la lutte armée de libération nationale, contre la France coloniale, sous la direction collégiale du nouveau parti le FLN-ALN.
 Au Caire justement, l’avènement du mouvement des “ Officiers Libres” qui renversèrent le Roi Farouk facilitera les choses à Ben Bella en tant que membre de la délégation extérieure du FLN-ALN. Et tout naturellement, le leader égyptien, Gamal Abdel Nasser, va lui prêter main forte !

 Car, il faut le dire et le répéter, en ces premiers temps de la révolution armée de l’ Algérie combattante, ce sont les Arabes, d’ Egypte, du Maroc et de Tunisie, suivis par les syriens, jordaniens et irakiens etc.… qui ont AIDE les révolutionnaires algériens dans leur lutte! Le contact avec les chinois et les soviétiques et leurs alliés eut lieu plus tard…pour voir ensuite l’ Amérique Latine et le reste du monde s’ impliquer dans la reconnaissance des droits à la liberté du peuple algérien!

Le reste de l’épopée Ben Bellienne tout le monde la connaît dans ses grandes lignes!

Cependant, il faut souligner, que Ben Bella n’était pas un vulgaire agent des “moukhabarat” égyptiennes ou de services français, mais un leader qui traitait d’égal à égal avec Nasser (son frère de lutte anti-impérialiste), et un adversaire implacable de la France colonialiste, avec cependant une différence dans son jugement envers les français qui ont risqué leur sécurité, voire leur vie pour aider les combattants algériens tout au long de la guerre de libération nationale.
  
LE PRESIDENT LUTTEUR INFATIGABLE
 En à peine 2 ans de son mandat présidentiel, il est déjà sous les feux des projecteurs de la presse mondiale, comme le champion de la lutte contre le colonialisme et le défenseur du panarabisme et panafricanisme at-large ! Leader reconnu de la lutte anti-impérialiste, et le “ non-alignement” aux côtés de ses pairs et néanmoins amis, des ténors du XXe siècle, tels, l'indien Nehru, le yougoslave J.B. Tito , Gamal Abdel Nasser, le Chinois Mao Tsé-Toung et le cubain Fidel Castro. Ben Bella s'affirme rapidement comme une des personnalités incontournables dans le soutien sans failles aux différents mouvements de libération nationale dans le monde en Afrique et hors d'Afrique.

Sur le plan intérieur, sa lune de miel avec le peuple algérien est au beau fixe.
 Très vite, il met en pratique sa politique d'autogestion en commençant par les terres et les biens abandonnés par les colons européens, en généralisant les soins médicaux, la scolarisation obligatoire, et l'université gratuite. Il instaure l’arabisation de l’enseignement. Tout cela, sans doute, dans l’improvisation, mais le temps était à l’urgence comme s’il savait qu’il n’allait pas durer au pouvoir…

En effet, bien que littéralement adulé par le peuple, et démocratiquement confirmé par les urnes comme chef de l’Etat, icône des mouvements de libération dans le monde, leader charismatique du tiers-monde, il sera renversé par un coup d’ état militaire dit “redressement révolutionnaire”, le 19 juin de l’ an 1965.

Le calvaire de son incarcération fut impitoyable. Durant presque cinq ans, il sera isolé dans des conditions épouvantables. Ses geôliers n’avaient pas le droit de lui parler.
Il raconte, que durant 6 ans d’isolement intraitable, il s’attendait à chaque instant qu’on vienne le chercher pour le fusiller. Le moindre craquement de porte ou de serrure le faisait se noyer dans une vague de sueur froide… Alors il eut l’idée de puiser des forces… et sans doute un miracle, dans la lecture du Coran (le seul livre qui lui était permis de posséder). 
 Puis les jours et les nuits passant, il comprit qu’à défaut de le tuer, ils” cherchaient à lui faire perdre la raison, et à le pousser au suicide"!
  Mais il continuait à se parler à lui-même pour entendre sa propre voix.
 Paradoxe cynique, c’est dans la prison de l' Algérie indépendante, pour laquelle, il fut l'un des artisans historiques de son combat pour la libération nationale, qu'il connut le pire des enfers sur terre!
  
Ce n’est qu’en 1971, après son mariage en prison avec Zohra Sellami, journaliste et ancienne combattante elle-même, qu’ il redevint un être humain capable de penser le futur… Ils adopteront deux filles, Mehdia, et Noria et plus tard, Alilou, un enfant tétraplégique, âgé aujourd'hui de 32 ans et installé en Espagne près de Noria.
Pendant les années suivantes, il vécut d’une manière à peu près “humaine”, avec son épouse et leurs enfants adoptifs. C’est là qu’il commencé à parfaire sa culture et à écrire…

 En 1992, sa femme me confia : « J'ai en ma possession les notes, qu’il a commencé à rédiger, aussitôt après mon arrivée auprès de lui en prison… et ce, jusqu’ à nos jours… Ce sera à moi de les mettre en forme pour la publication de ses mémoires ».
 Rien à ce jour n'a été rendu public!

 BEN BELLA EN LIBERTE, TEL UN SPHINX RENAISSANT DE SES CENDRES.
Après avoir créé en 1981 un parti politique, le MDA (Mouvement pour la Démocratie en Algérie) dont il laissera les rênes à des militants plus jeunes, il revint en 1990 en homme libre, dans son pays, désormais hors du pouvoir de ceux qui lui ont volé 14 ans de sa vie… Sa passion de l’Algérie, ne laisse aucune place à un quelconque sentiment de satisfaction de celui qui se sait “venger par le destin”, à travers la disparition des principaux artisans de ses souffrances carcérales. Il est tout entier tourné vers l’ avenir … Il a tant de luttes qui l’attendent, comme celle de l’annulation de la dette du tiers-monde!
  
Mais le voilà nommé Président de la Commission Islamique Internationale des Droits Humains. A partir de ce moment et jusqu’ en 2003, il est élu président de la Campagne Internationale contre l’Agression des Alliés en Irak.

Il ne lâchera plus son bâton de pèlerin, et ce, jusque durant la décennie fratricide en Algérie, quand il est le premier à exprimer la nécessité du dialogue avec les islamistes. Pour cela, il adhère au “Contrat national” de San Egidio en 1995 à Rome. C'est alors que l'idée de réconciliation nationale prit corps.

Pour terminer son prodigieux chemin de vie, sa dernière fonction officielle sera celle de président des Sages de l'Union africaine, chargés de la prévention et de la résolution des conflits.
  
Homme intègre, honnête, certes enclin à l’autoritarisme comme l’ont été tous les leaders des années 50 et 60, dans les pays nouvellement indépendants, on peut sans doute reprocher beaucoup de choses à Ben Bella,  mais jamais d’avoir volé un dinar à son pays.  Nul ne peut l’accuser d’avoir détourné quoi que ce soit à son profit. De son court exil, il déclarera avec fierté: «Moi au moins, j’ai pu vivre décemment grâce à l’argent des Arabes, et non pas du soutien financier d’amis riches affairistes, ou des pays occidentaux ! »
 La preuve en est, qu’il est mort sans posséder de maison, sinon celle de ses parents à Maghnia, ayant fini paisiblement ses jours dans la résidence que l'état algérien avait mise à sa disposition à Alger…
  
Lors de mon entretien avec lui, je lui avais demandé quel était le secret de sa vitalité intellectuelle et physique? Il me répondit en jetant un regard amusé sur son épouse: « Mes deux passions sont l’Algérie et Zohra… la première a été ma raison d’exister et de lutter pour ce que je crois être juste et bon pour mon pays, wa allah 3allem de ma sincérité… et elle… disons qu’elle est le secret de ma survie… »
 Elle l’interrompt en riant: « Dis plutôt de ta jeunesse éternelle! »

Sans Zohra, décédée deux ans avant lui, Ben Bella avait perdu son antidote de survie.

A plus de 95 ans, il s'est éteint sans souffrances, dans son sommeil, dans cette terre pour laquelle il a consacré toute son existence.

L'esprit passionné n'est jamais un esprit figé; Il franchit les obstacles sans se renier. C’est un esprit jeune qui n'en finit jamais d'arriver.

Ainsi meurent, tout doucement,  les héros, persécutés par les hommes de leur vivant, mais bien aimés de Dieu !
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