إنَّا لله وإنَّا إليه راجع
Inna li lah wa inna ilaïhi raji'oune...
Elle s'est éteinte cette belle femme à l'âge de 92 ans, en ce 5 juillet, jour de la fête nationale de l`indépendance en Algérie.
Allah Yarhamha Birahmatihi.
Ce dimanche là, reprenant la rédaction d`un livre "mémoire" (dont je tairai le vrai titre) - j´en étais au chapitre de la célébration de mon mariage, à la fin des années 60… J`avais 20 ans, j´évoquais cet évènement heureux, au cours duquel, des personnages qui n´étaient pas alors « historiques », étaient les témoins et amis présents en ce grand jour de ma vie. Dans une pièce, hors de la vue des hommes, j`étais assise dans ma toilette de noces, encadrée, par ma mère, ma sœur aînée, ma belle-mère et son amie lalla Mansouria –
Allah yarhamhoum jami´ên.
Cette nuit là, plutôt à l`aube, vers les 3h du matin, face à mon ordinateur déroulant en sourdine Sourate el Baqara, j´écrivais ce moment-là de ma vie, et alors que je décrivais lalla Mansouria, je la sentais telle une étonnante présence, comme si la distance avait été abolie... Soudain, un grand frisson me saisit intensément jusqu`à la racine de mes cheveux, m`obligeant à me lever pour boire un verre d`eau et me concentrer un instant sur l`écoute de la belle voix de Sheikh el Ghamidi récitant ce passage du Coran. Puis je repris sereinement mon écriture.
Je l`aimais sincèrement lalla Mansouria, et elle me le rendait bien, du moins durant nos années d`intimité familiale, jusqu`à ces années de métamorphose amnésique, où l´on érigea autour de sa personne, une garde pareille à un mur cyclopéen… De femme simple dans toute son humanité chaleureuse, on en fit un sérail clos sur toute mémoire du cœur. Pourtant, nos familles partageaient la même histoire d´un temps qui allait au-delà des années de l`indépendance nationale, quand les hommes d´âge mûr d`aujourd´hui, étaient des enfants en culottes courtes.
Quant à moi, mon histoire de tendresse pour lalla Mansouria avait commencé, comme je l`ai déja dit, le jour de mes noces. Je regarde son image dans une photo d´elle avec ma soeur, prise en ce jour de fête... Lalla Mansouria, qui n´était pas encore « Hadja », était alors jeune, et si jolie avec ses tresses noires de geai encadrant son visage ovale au teint laiteux, illuminé par l`éclat de son regard plein d`intelligence et de vivacité. Je me souvenais de ses gestes tendres à mon égard, comment elle arrangeait les plis de ma robe, et caressait mes longs cheveux qu`elle comparait aux siens, aussi long et soyeux. Plus tard, elle ne manqua jamais de passer me voir, pour bavarder autour d`une tasse de thé vert à la menthe, dont elle m´avait appris l´art et la manière de le servir. Ma belle-famille habitant loin de mon foyer, c´était leur plus ancienne et fidèle amie lalla Mansouria, qui à sa manière veillait sur moi.
Ensuite, la vie nous avait éloignée, à cause des déplacements professionnels de mon mari, mais je ne manquais pas d`aller la voir quand je pouvais.
C´est ainsi que cette merveilleuse grande dame, fut présente particulièrement dans deux des étapes significatives de ma vie - celle de mon mariage, et du bouleversement brutal de mon existence que fut la perte tragique de mon fils Akram- rahimu Allah. Elle avait été là, en ce temps de mon deuil, pour me consoler sur le plan affectif, et domestique en déléguant sa fille aînée pour donner un coup de main à ma famille désemparée par la douleur.
Et voilà qu` après tant d`années de silence, que par un de ces phénomènes étranges de télépathie à distance, c´était au moment, où j`étais entrain d´écrire ce chapitre de ma vie, que Hadja Mansouria poussait son dernier soupir chez elle, à Alger…
Le lendemain, on m´a téléphonée pour m`apprendre la nouvelle de son décès. Et me voici, triste, froissant dans mes mains le foulard bleu qu`elle m´avait offert, alors j`étais enceinte de mon premier enfant. Elle était passée comme à son habitude, en voisine, et alors que nous étions dans ma petite cuisine, elle me tendit son présent en s´exclamant avec son sourire de petite fille: « regarde, il est bleu comme les yeux de mon fils que j`aime plus que tout au monde ! »... j`arrête ici la suite de notre conversation, pour dire seulement ma peine incommensurable pour la perte d`un être que j`aimais tout autant que je respectais.
Pour ses enfants, la mort d'une mère est une chose qui ne ressemble à rien et qui est totalement personnelle, donc intransmissible. On dit que les hommes naissent réellement le jour de la mort de leur mère, c´est à dire qu`ils deviennent vraiment adultes, conscients de l`éphémère des choses de la vie... Ma généreuse et pure Mansouria, je souhaite à tes enfants, de naître dans la bonté et la simplicité de ta grande âme. Car tu étais une femme exceptionnelle, tu avais tant vécu, et lutté pour élever tes enfants. Tu as tout eu de la vie, souffrances, peines et finalement la grande réussite de tes espoirs de mère. C´est à ce moment là, celui de la réalisation la plus haute dans un destin humain, et,entourée de tous les honneurs que tu mérites, que Allah Subhanou t`a rappelée à Lui.
Que ton âme repose dans la paix éternelle.
Allah yarhamek wa Yarham jami3 al mouslimine wa you3afihim wa ya3fou alayna. Amine.
1 commentaire:
Super article comme d’habitude. Un grand merci pour tout ce que tu nous partages.
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